Dans le cadre d'un travail de recherche
de licence de biologie, sur les Mygalomorphes, nous avons cherché
à observer et recueillir des individus d'Atypus affinis
sur le terrain dans différentes zones de la région
Lorraine où nous étions susceptibles de les trouver.
Ces recherches ce sont déroulées entre la dernière
semaine du mois de Mai et la première semaine du mois de
Juin. Nous nous sommes d'abord rendus dans les Vosges à
proximité de la commune de Vexaincourt, située dans
le massif du Donon, sur les conseils de Mr Guérold, le
professeur nous supervisant sur nos recherches, qui avait déjà
observé cette espèce dans la région. Nous
avons également effectué des recherches sur les
plateaux calcaires et les pentes des versants sud au alentours
de Gorze, à 20 km au Sud de Metz, mais aussi sur les pelouses
calcaires d'Arnaville, à 25 km au Sud de Metz. Nous avons
trouvé des terriers et des spécimens d'Atypus
affinis dans les Vosges et sur les pelouses calcaires mais
nos recherches sur la commune de Gorze n'ont rien donné.
La zone de prospection dans les Vosges, située sur
un versant sud de nature argilo-sablonneuse, était longue
d'environ 3 km. Après 3 heures de recherches nous avons
trouvé un site colonisé par Atypus affinis,
situé à la moitié de la zone de prospection.
L'ensoleillement était d'environ 30%.
Le site regroupait 31 terriers dans un périmètre
de 1,50*2,70m. Bien que rapprochées, les chaussettes nous
ont semblé avoir une répartition aléatoire.
Le site était recouvert d'une végétation
de mousse recouvrant environ 90% de la surface du site et de nombreuses
racines du à la présence d'un grand chêne
en haut du coteau. Le temps pour déterrer une chaussette
entière varie entre 15 et 20 min en fonction de sa taille
et de la présence d'obstacles comme des racines ou des
cailloux. La partie externe des toiles variait de 3 à 9
cm pour des longueurs totales allant de 8 à 24 cm pour
la plus grande. La partie externe est toujours recouverte de débris
végétaux et de terre et pend le long de la pente
. La partie interne se termine le plus souvent à proximité
d'une racine.
Nous avons réussi à extraire 4 spécimens
d'Atypus affinis. Ils ont été à chaque
fois découverts au fond du tube, repliés sur eux-mêmes.
|
( sans les pattes, en cm.) |
|
|
|
|
|
|
|
|
A l'observation de la morphologie
des 4 individus, nous avons conclu qu'il s'agissait de 4 femelles.
En effet, leur abdomen est massif et leurs pattes sont courtes
.
Nous avons ensuite commencé à les élever.
Les individus 1 et 3 ont été placés ensemble
dans une boite de 9*5*6 cm rempli au 2/3 de terre récupérée
sur le site lui-même. Les deux plus gros spécimens
ont été placés dans de grands bocaux de 15
cm de hauteur et de 9 cm de diamètre. Là encore
ils sont remplis au 2/3 mais d'un mélange de terre finement
broyée, de sable fin et de quelques débris végétaux
de mousses et de sphaignes notamment, afin de reproduire au mieux
les conditions de milieux de cette espèce. Il est à
noter qu'aucun trou n'a été creusé dans le
substrat afin de mieux observer la façon dont Atypus
affinis élabore son terrier. Les bocaux ont été
placés dans une pièce où la température
est de 22°C en moyenne et les conditions d'ensoleillement
sont moyennes. Des conditions d'humidité moyenne sont également
entretenues. Les observations se sont déroulées
sur une période de 3 semaines.
Les araignées semblent dans un premier temps rechercher
l'endroit propice où initier la construction du terrier.
Dans le cas des 4 individus, l'installation s'est faite le long
des parois. Ceci pourrait s'expliquer par le fait que ces araignées
tissent leurs chaussettes de soie le long de fortes pentes dans
un grand nombre de cas. Dans un deuxième temps les araignées
creusent légèrement la terre puis commencent l'élaboration
de la chaussette. Celle-ci prend forme très rapidement.
En effet, dans le cas du spécimen n°2, une ébauche
d'environ 1 cm était construite en l'espace de 4 heures.
Après 3 jours et une nuit la taille de la chaussette atteignait
6,5 cm dans sa partie externe. La construction de cette toile
est réalisée principalement la nuit. L'animal agrémente
ensuite sur toute la surface de la partie externe du tube de petits
grains de terre ainsi que les débris végétaux
que l'araignée a pu récupérer. Le spécimen
n°2 s'est ensuite attaché à creuser une galerie
souterraine en rabattant les grains de terre en formant un petit
monticule le long de la chaussette verticale, qui semble jouer
un rôle de soutien de la toile.
Les autres individus (1,3,4) n'ont pas donné les mêmes
résultats. En effet, en ce qui concerne les spécimens
1 et 3, seul l'individu 3 a commencé à tisser l'ébauche
d'un tube de soie. L'individu 1 a légèrement creusé
la terre le long d'une paroi avant de s'enfermer dans une sorte
de cocon et de ne plus montrer aucun signe d'activité.
Il est possible que l'individu soit entré en période
de mue ou tout simplement qu'il soit en train de mourir, les conditions
du milieu ne le satisfaisant pas. L'individu n°4 semble lui
aussi avoir du mal à s'adapter aux conditions. Il a cherché
longtemps un endroit où s'installer, pendant 3 jours, avant
de s'enterrer et de former un monticule de terre d'environs 2
cm de haut. L'animal n'a plus montré de signes d'activité
pendant 10 jours avant, tout comme le spécimen n°2
et au même endroit dans le bocal, de tisser une chaussette
de soie . En deux jour celle-ci atteignait le sommet du bocal.
Les sites de prospection sur les
pelouses calcaires d'Arnaville étaient deux grandes pelouses
fermées légèrement en pente où le
brome érigé constituait l'espèce végétale
dominante.
Nous n'avons trouvé que deux terriers d'Atypus sur
deux pelouses différentes séparées d'environ
200 mètres par une rangée d'arbres et de buissons.
Le taux d'ensoleillement est de 99%. Le sol est une argile relativement
grossière. Ces deux conditions écologiques sont
radicalement différentes de celles que nous avions trouvées
dans les Vosges. Néanmoins le sol est également
couvert de mousse. Les deux chaussettes ont été
découvertes dans des zones relativement dégagées
de hautes herbes, à la base de petites butes de terre hautes
de 5 cm, sur lesquelles poussent des graminées. Les deux
chaussettes mesurent respectivement 13 et 16 cm de longueur. Dans
la première, nous n'avons pu extraire que deux exuvies
d'Atypus sp.. Dans la deuxième, nous avons eu la
surprise de trouver deux individus, le premier caché et
replié au fond du tube de soie et le second replié
à l'extrémité externe de la chaussette. Il
est à noter qu'aucun cocon n'a été trouvé
dans le tube de soie. Après observation, nous avons pu
déterminer que le premier individu était une femelle
et le deuxième un mâle, l'abdomen étant beaucoup
plus fin et plus petit et les pattes plus fines et plus longues
Il n'y avait aucun trou dans la chaussette après que nous
l'aillons extraite. Il semble donc que les deux spécimens
cohabitaient depuis un certain temps. Le mâle présente
une taille impressionnante dans la mesure où celle-ci est
de 1,7 cm sans les pattes, alors que D. Jones, dans le guide des
araignées et opilions d'Europe, estime la taille des mâles
entre 0,7 et 0,9 cm.
Ces deux spécimens ont ensuite été placés
en conditions d'élevage. Dans un premier temps, nous avons
enfermés les deux individus ensemble. La femelle a commencé
à creuser légèrement la terre et à
tisser, alors que le mâle restait inactif. Au bout d'une
journée, les deux araignées s'étaient regroupées
ensemble dans l'ébauche d'un terrier. Cette attitude paraît
inexplicable dans la mesure où la reproduction et la recherche
des femelles par les mâles se déroulent en automne.
On sait également que le mâle peut cohabiter avec
la femelle, mais seulement durant l'hiver. Nous avons ensuite
séparé les deux individus. Le mâle est toujours
resté pratiquement inactif, alors que la femelle s'est
très rapidement mise à tisser le début de
la chaussette de soie en commençant par la partie externe.
Contrairement aux spécimens provenant des Vosges, celle-ci
tisse sa toile à la surface du sol, à l'horizontale,
et non pas à la verticale contre les parois des bocaux.
Il semble donc qu'en conditions d'élevage, les araignées
tissent leur tube de soie de la même façon qu'elles
le faisaient dans les conditions naturelles dans lesquelles elles
évoluaient. Le mâle est mort 2 jours après
avoir été séparé de sa compagne. Il
devait donc être dans un état de sénilité
avancé, ce qui n'est pas surprenant dans la mesure où
celui-ci a apparemment passé tout l'hiver et le printemps
en compagnie de la femelle, ce qui est bien plus que les durées
observées normalement.
Nourrir les individus est également compliqué. En
effet toute la nourriture présentée aux différents
spécimens a été refusée durant près
de 2 semaines. Cette nourriture était composée de
mouches de petites tailles (0,5 cm) et de petites sauterelles,
vivantes ou mortes.
Ces observations, coécrites par Jean-Marc Birat et Christophe Rocanière, sont tirées de l'article du même nom publié dans le n°51 d'"Arachnides" (4ème trimestre 2001).